Aujourd’hui, notre société tend inévitablement vers une dématérialisation imminente et une digitalisation générale de l’ensemble de ses canaux de communication. Il est donc intéressant de se focaliser sur le domaine de la santé, un domaine considéré ô combien institutionnel et sérieux.
Alors, comment les enseignes de santé se sont-elles adaptées à ces changements technologiques ? Comment harmonisent-elles leur stratégie de communication avec la montée du digital ? Quels sont les limites éthiques de cette évolution ?
Hôpitaux, laboratoires pharmaceutiques et sanitaires n’échappent pas à cette vague qui, plus qu’une tendance, est un véritable enjeu sur le marché de la santé.
Médecine 2.0 : Informations, trop d’informations ?
Ça y est ! L’époque où notre seul correspondant santé sur la toile répondait au nom de Doctissimo est désormais révolue ! Un symptôme ? Une interrogation sur la santé ou plus largement, sur l’innovation dans le domaine médicale ? Avec le développement de la communication digitale, nous avons aujourd’hui mille et une façons de nous renseigner. C’est d’ailleurs la priorité actuelle de bon nombre de groupes pharmaceutiques et sanitaires. Pour cause, il y a actuellement plus de 100 000 applications pour smartphone ayant pour thème la santé. Prenons comme exemple l’application Happly Day dont la cible sont les personnes souffrant de dépression. Son but est d’accompagner les personnes dépressives sur le long terme et de les aider à vaincre cette maladie. Avec certaines applications, il est également maintenant possible de contrôler son taux de cholestérol, connaître son rythme cardiaque, ou encore suivre sa grossesse. Certaines applications sont également créées pour des personnes atteintes de maladies spécifiques telles que la sclérose en plaque, les cancers, le diabète, la maladie d’Alzheimer.
De plus, les réseaux sociaux prennent une ampleur beaucoup plus importante ces dernières années avec la création de pages communautaires destinées à répondre aux interrogations, la montée des forums de santé explosant également par la même occasion, avec en prime des professionnels de santé pouvant éclairer les internautes sur leur problématique. En effet, les établissements sanitaires ont aujourd’hui pour but d’être beaucoup plus présents sur Internet en rédigeant des articles sur le sujet qu’ils publient régulièrement sur la toile. L’information sanitaire connait donc aujourd’hui une « hyperaccessibilité » par les internautes avec des supports et des sources diverses dont la fiabilité est plus ou moins qualifiable.
La limite alarmante de ce surplus d’information, est qu’elle a tendance à faire croire à l’internaute qu’il peut trouver une réponse personnalisée à sa problématique avec la seule utilisation d’internet. Pratique, rapide, et intimiste, la toile pourra ainsi être utilisée comme un outil de substitution à la consultation médicale PHYSIQUE. Or, chaque symptôme étant différent d’une personne à une autre, le fait de négliger la consultation et l’osculation par un vrai médecin pourrait avoir de graves conséquences sur la santé des internautes …
Médecine 2.0 et marketing : de nouveaux outils pour une nouvelle stratégie !
Un séjour à l’hôpital s’impose ? Aujourd’hui, la stratégie de plus en plus d’hôpitaux est de favoriser l’infotainment (information et divertissement) afin d’optimiser l’expérience du patient. Prenons pour exemple le phénomène Bedside qui ne sont autres que des terminaux digitaux disposés au chevet des lits médicaux. Avec cet équipement, les patients peuvent non seulement communiquer avec l’extérieur (E-mail, vidéo), consulter Internet, se divertir, mais également demander des services au sein de l’hôpital. Cet outil est également très utile aux professionnels qui pourront concentrer et consulter directement les données du patient au sein d’un seul et même système.
Gérald Carmona, directeur de la communication de l’Institut Bergonié, Centre Régional de lutte contre le cancer à Bordeaux, nous fais part de son expérience et expertise concernant l’évolution du digital dans le domaine de la santé, mais également sur le traitement des données médicales qui a subi un changement considérable depuis la montée du digital.
Stratégie digitale : Le nouveau levier des organismes sanitaires
L’institut Bergonié, 1er dans le domaine de la cancérologie en Nouvelle-Aquitaine, tient, comme tout autre enseigne procurant un service, à conserver sa place de leader sur ce marché et donc à maintenir son excellence dans ce domaine. L’entretien de cette image de marque passe par une communication 360, mais de plus en plus soulignée par une stratégie digitale.
« Imaginez qu’un de votre proche souffre d’un cancer. Vous souhaitez pour lui le meilleur hôpital pour qu’il puisse bénéficier des meilleurs soins. Votre premier réflexe est alors de chercher sur internet le meilleur hôpital ! »
Dans ce « Canceradvisor », les hôpitaux doivent aujourd’hui attirer de plus en plus de patients et satisfaire du mieux possible leurs besoins. Ils doivent alors, d’une part, leur procurer sur Gerald Carmona Institut Bergonié place une qualité de service optimale pour obtenir les meilleurs avis, mais également d’assurer une présence accrue sur leur site internet et leurs réseaux sociaux.
« Nous utilisons beaucoup les réseaux sociaux ainsi que notre site internet pour partager des témoignages de personnes guéries à la suite de nos soins afin de donner espoirs aux malades, mais également pour leur démontrer toute l’efficacité de nos services. »
L’Institut Bergonié est également un précurseur dans le domaine de l’e-consultation puisque certains anciens patients en rémission habitant loin de la périphérie bordelaise, ont aujourd’hui la possibilité de consulter leur médecin à l’aide de leur tablettes ou smartphone (Facetime, skype) après avoir renseigné quelques paramètres. Ce type de consultations permet non seulement de réduire l’anxiété du patient, mais également de permettre au médecin de savoir si l’objet de la consultation nécessite une prise en charge ou non.
En effet, la montée des smartphones n’est pas non plus tombée dans les oubliettes des établissements sanitaires. Aujourd’hui, l’application mobile est devenue un outil central dans le développement de la stratégie de ces derniers. L’avantage de cet outil, en plus d’être un outil d’accompagnement et d’information continu pour l’utilisateur, est surtout qu’il permet de collecter des informations très pointues et ciblées sur ses utilisateurs, et plus particulièrement sur leurs habitudes sanitaires. C’est le cas par exemple du laboratoire Sanofi qui, grâce à sa quarantaine d’applications comme Nutridial, Diabeo, récolte chaque jour des centaines de milliers données sur les internautes.
L’évolution exponentielle du traitement des données médicales
Concernant ces données médicales, notons que leur traitement s’est vu significativement changer depuis les années 80. Gérald Carmona nous confie l’évolution de ce traitement depuis la naissance de l’Institut, jusqu’à aujourd’hui.
« Historiquement, les dossiers de la patientèle étaient des dossiers papier que l’on stockait et ressortait à chaque consultation. Le médecin dictait à sa secrétaire à l’aide d’un dictaphone l’ensemble des données relatives au patient en question (symptômes, analyses biologiques, traitement prescrit etc …).
Imaginez maintenant cette secrétaire le soir, tapant mot pour mot ce que lui dictait le médecin afin de constituer les dossiers médicaux. »
La limite de cette méthode était bien évidemment la perte de temps, le manque d’information instantané qui pouvait parfois mener à un manque d’information général !
« Un patient en cancérologie passe beaucoup d’examens (parfois 4 ou 5 dans la même journée) ! Essayez de vous rendre compte de la perte de temps qu’engendrait la « recopie » des différentes variables du patient ! »
Heureusement, depuis une quarantaine d’année, l’évolution de la technologie et la montée du digital a permis aux hôpitaux de collecter et de centraliser informatiquement l’ensemble des données relatives aux patients afin d’avoir une vision globale de sa situation et instaurer en fonction, un véritable suivi.
« En 1986, nous avons vu naître à Bergonié notre premier dossier médical digital ! Aujourd’hui, ces dossiers médicaux font l’objet d’un gain de temps considérable, assure une meilleure expérience au patient car il est beaucoup plus simple aujourd’hui d’effectuer un diagnostic lorsque l’ensemble des données est centralisé. »
Aujourd’hui, l’institut Bergonié veut pousser plus loin cette centralisation de donnés en tentant d’aborder l’axe de la connexion inter-hôpitaux. Grâce à cette méthode, tous les hôpitaux pourraient avoir accès à l’ensemble de vos données. En d’autres mots, si vous vous blessez dans une ville que vous ne connaissez pas et que vous vous rendez dans un hôpital inconnu, ce dernier pourra avoir accès à votre dossier médical.
Les avantages et les limites de cette stratégie
Force est de constater que ces techniques répondent pour la plupart à celles du marketing. En d’autres mots, pour les hôpitaux, placer le Patient au centre de l’attention, répondre à ses attentes et à ses demandes du mieux possible afin de le fidéliser, mais également d’améliorer l’image de l’enseigne. Le terme « fidéliser » peut certainement piquer les yeux dans ce domaine, car il est clair que personne ne souhaite être fidélisé au sein d’un service de cancérologie.
Cependant, la patientèle évolue en même temps que la technologie, ce qui signifie qu’elle est beaucoup plus informée, exigeante, assertive, et a le plus en plus le choix de choisir entre un hôpital et un autre. Il y a donc également une volonté des enseignes hospitalières de trouver LE moyen de se différencier de la concurrence afin de gagner des parts de marché.
Ces techniques sont ambitieuses, audacieuses et inévitablement dans l’ère du temps. Elles créent sans aucun doute une véritable plus-value sur la notoriété d’une enseigne et sur son développement continue. Cependant, les enseignes de santé auraient tout intérêt à ne pas pousser trop loin ce marketing afin de ne pas entrer dans un « schéma publicitaire » qui décrédibiliserait l’image institutionnelle de l’enseigne. Les réseaux sociaux doivent donc être utilisés à bon escient, sans artifice ni fantaisie. Par exemple, certaines utilisations des réseaux sociaux peuvent être difficilement imaginables dans la stratégie digitale d’une entreprise, comme par exemple l’organisation de jeux concours au sein d’un service de cancérologie.
En ce qui concerne le BIG DATA, il constitue une véritable avancée concernant la qualité de suivi des patients. Les données, pouvant être partagés entre experts, peuvent engendrer des diagnostics plus fiables, et donc une meilleure prise de décision quant aux traitements adaptés.
Cependant cette émulsion de données peut constituer un réel risque puisqu’une faille de sécurité n’est pas impossible : N’oublions pas que la donnée relative à la santé est une donnée extrêmement sensible qui ne doit pas tomber dans les mains (ou les systèmes) de n’importe qui. Imaginez un monde où les organismes d’assurance santé pourraient avoir accès à vos données médicales et qui, en fonction de celles-ci, augmenteraient le taux de votre cotisation. Ou pire encore, que ces données tombent dans les mains d’entreprises (ou de laboratoires) qui pourraient les utiliser pour vous vendre des produits « adaptés » à vos variables médicales ? Face à ce risque, et encore plus que pour d’autres entreprises lambdas, l’ensemble des systèmes juridiques devront donner les bouchées doubles pour suivre la cadence plus que soutenue de l’évolution des technologies traitant les données, et mettre en place un système de sécurité frôlant l’infaillible.
Marie Valadier, Promotion 2018-2019 du Master 2 Communication Média et Hors-Média