
Introduction : Moi aussi, j’ai craqué (et je veux comprendre pourquoi)
Je l’avoue sans honte : j’ai moi aussi succombé. Un samedi après-midi passé à scroller TikTok, et me voilà l’heureuse propriétaire d’un Labubu aux dents acérées qui trône désormais sur mon bureau. Comment une petite créature aux oreilles pointues a-t-elle réussi à conquérir mon portefeuille et des millions d’autres à travers le monde ?
Sur TikTok, le hashtag #Labubu affiche plus de 3 millions de publications. Sur Instagram, c’est une déferlante de photos de collections méticuleusement alignées. Et ne parlons pas des reventes : certaines figurines s’arrachent à plus de 500 € sur les plateformes de seconde main. Un simple jouet ? Pas vraiment.
Les origines du phénomène : du Gashapon aux blind box

Pop Mart n’a pas inventé la roue. Ou plutôt, la capsule.
Le concept de collection de jouets à l’aveugle remonte aux Gashapon japonais, ces distributeurs automatiques qui délivrent une capsule surprise contre quelques pièces. Depuis les années 1960, ce mécanisme fascine : on insère sa monnaie, on tourne la manivelle, et on découvre ce que le hasard nous réserve. L’excitation de l’inconnu, l’espoir de tomber sur la pièce rare, la frustration de recevoir un doublon… Tout est déjà là.
Les héritiers directs de cette mécanique addictive ? Sonny Angel et ses petits anges à collectionner, Smiski et ses créatures phosphorescentes cachées dans les coins, et bien sûr, toute la gamme Pop Mart. Ces marques ont compris une chose essentielle : la surprise crée l’attachement.
Mais voici où Pop Mart innove : en transposant ce modèle physique dans l’univers digital. Les blind box ne sont plus simplement vendues en boutique. Elles deviennent des événements en ligne, des lives d’unboxing, des chasses au trésor virtuelles. Ce qui était un plaisir solitaire devient une expérience collective amplifiée par les réseaux sociaux. Et c’est là que le phénomène s’emballe.
L’identité unique de Labubu : le « weird cute » qui divise
Soyons honnêtes : Labubu n’est pas mignon au sens traditionnel du terme. Avec ses dents pointues, ses grandes oreilles et son regard légèrement inquiétant, il incarne parfaitement le concept de « weird cute » – ce mélange d’étrange et d’adorable qui attire autant qu’il repousse.
Certains le trouvent horrible. D’autres en sont complètement obsédés. Et c’est exactement le but.
Créé par l’artiste hongkongais Kasing Lung, Labubu n’est pas une mascotte consensuelle pensée pour plaire au plus grand nombre. C’est un personnage issu de l’univers artistique « The Monsters », avec son propre storytelling.
Pop Mart mise sur un visuel fort pour se démarquer. Dans un marché saturé de personnages kawaii interchangeables, Labubu crée un attachement émotionnel puissant chez ses fans. Ce n’est pas un jouet qu’on achète par hasard : c’est un choix identitaire. Posséder un Labubu, c’est affirmer son appartenance à une communauté qui assume son goût pour l’étrange.
Et cette non-consensualité ? C’est justement ce qui fait parler de lui, génère du débat, et finalement… crée du buzz.
La FOMO comme moteur d’achat
Pop Mart a compris un principe fondamental du désir humain : on veut toujours ce qu’on ne peut pas avoir.
La marque ne se contente pas de vendre des figurines. Elle orchestre la rareté avec une précision chirurgicale :
- Séries limitées qui disparaissent aussi vite qu’elles apparaissent
- Taux de rareté codifiés : 1 figurine « secret » sur 72 boîtes en moyenne (soit environ 1,4% de chance)
- Exclusivités événementielles : lors de l’ouverture de la boutique Pop Mart à Bordeaux, un sac Dimoo était offert dès 50 € d’achats, une tactique qui crée l’urgence et justifie l’achat impulsif.

Ouverture de la boutique Pop Mart dans le centre-ville de Bordeaux
Le résultat ? Des achats compulsifs pour tenter sa chance, des reventes à prix d’or sur Vinted et Ebay, des files d’attente virtuelles lors des lancements. La frustration de ne pas obtenir la figurine désirée pousse à racheter une boîte, puis une autre, puis encore une autre.
Les influenceurs amplifient ce mécanisme. Quand ils partagent leur joie (authentique ou jouée) d’avoir déballé une pièce rare, ils transforment chaque achat en mini loterie émotionnelle. Le contenu UGC (User Generated Content) vient nourrir cette dynamique : voir les collections des autres attise l’envie. Si tout le monde possède un Labubu sauf vous, la FOMO fait son œuvre.
Les réseaux sociaux : la caisse de résonance mondiale
Sans TikTok et Instagram, Labubu serait probablement resté un jouet de niche apprécié par quelques collectionneurs avertis. Mais les réseaux sociaux ont transformé ce produit en phénomène culturel planétaire.
Les formats stars ? Les vidéos d’unboxing. Ces courtes séquences où l’on découvre, en temps réel, quelle figurine se cache dans la boîte. Le suspense, l’exclamation de joie (ou de déception), la révélation finale : c’est du contenu hautement addictif qui génère des millions de vues.
Les hashtags #Labubu et #PopMart cumulent plus de 4 millions de publications sur TikTok. Chaque post devient une vitrine, une publicité organique qui ne coûte rien à la marque.

Le vrai tournant ? Avril 2024. Lisa, membre du groupe K-pop Blackpink, est photographiée avec un porte-clés Labubu. L’effet est immédiat : une vague d’achats déferle sur l’Asie du Sud-Est. Depuis, Rihanna, Dua Lipa et d’autres célébrités ont contribué à populariser Pop Mart. Quand les icônes de la pop culture adoptent un produit, les fans suivent.
La communauté en ligne joue un rôle central : partage de collections sur Reddit, lives dédiés aux échanges de doublons, groupes Facebook où l’on troque ses figurines. Chaque acheteur devient un ambassadeur involontaire.
Le génie de Pop Mart ? Laisser les fans faire le travail de communication à leur place. L’UGC est le carburant de cette machine virale.
Pour en savoir plus sur l’UGC → Pourquoi l’UGC est-il important pour les marques ?
La stratégie digitale de Pop Mart : vendre une expérience, pas un objet
Pop Mart ne vend pas des jouets. Pop Mart vend l’appartenance à une communauté tendance, une expérience émotionnelle et un univers esthétique.

Analysons leurs leviers digitaux :
Le storytelling omniprésent. Chaque personnage (Labubu, Hirono, SkullPanda, Dimoo…) possède son propre univers narratif. On ne collectionne pas des figurines sans âme, mais des créatures avec une histoire, une personnalité, un monde imaginaire. Pop Mart entretient un univers culturel complet qui donne de la profondeur à chaque achat.
La gamification. Acheter une blind box, c’est comme gratter un ticket de loterie ou ouvrir un paquet de cartes Pokémon. On ne sait pas sur quoi on va tomber, et c’est précisément cette incertitude qui pousse à racheter. Le cerveau reçoit une dose de dopamine à chaque ouverture, renforçant le comportement d’achat.
Les collaborations stratégiques avec des artistes reconnus et des marques lifestyle. Ces partenariats donnent une légitimité culturelle à ce qui pourrait être perçu comme de simples jouets en plastique.
Un community management ultra actif sur Facebook, Discord, TikTok et Instagram. Pop Mart ne se contente pas de poster : la marque anime, répond, relaye, crée de l’engagement constant. Les fans se sentent écoutés, valorisés.
Pourquoi la Génération Z adore Labubu ?
La Gen Z est le cœur de cible de Pop Mart. Et pour cause : Labubu coche toutes les cases de ce qui motive cette génération.

- La dopamine immédiate de la surprise. Dans un monde de gratification instantanée (Netflix, livraison express, swipe), l’unboxing d’une blind box offre un pic émotionnel immédiat.
- La recherche d’exclusivité. La Gen Z fuit le mainstream et valorise l’authenticité. Posséder une figurine rare, c’est affirmer son unicité. Ce n’est pas un produit de masse, c’est leur trouvaille.
- Le besoin de partager en ligne. Chaque achat devient du contenu potentiel. Une belle photo de sa collection, un unboxing filmé, un story Instagram… L’objet physique nourrit la présence digitale.
Et c’est précisément ce besoin psychologique que Pop Mart exploite avec succès.
Conclusion : La FOMO comme nouvelle norme du commerce ?
Alors, devez-vous craquer pour un Labubu ? Honnêtement, ça dépend si vous assumez de faire partie de l’expérience.
Ce que révèle le phénomène Pop Mart, c’est l’évolution profonde de nos comportements d’achat à l’ère digitale. La FOMO n’est plus un simple biais psychologique : c’est devenu un levier marketing central, particulièrement efficace auprès d’une génération connectée en permanence et hyper-exposée aux tendances virales.
Pop Mart a parfaitement compris que dans l’économie de l’attention, ce qui crée de la valeur n’est pas seulement la qualité du produit, mais l’émotion, l’exclusivité et le sentiment d’appartenance qu’il procure. En mêlant rareté, storytelling artistique et puissance des réseaux sociaux, la marque a transformé un simple blind box en symbole culturel.
Le vrai génie ? Faire du consommateur le premier ambassadeur. Chaque unboxing partagé, chaque photo de collection publiée alimente la machine. L’UGC est gratuit, authentique, et infiniment plus convaincant qu’une publicité traditionnelle.
Alors, moi et mon Labubu aux dents pointues ? Je ne regrette rien. Pas parce que l’objet est objectivement magnifique (restons honnêtes), mais parce que j’ai acheté bien plus qu’un jouet : j’ai acheté une expérience, une appartenance, un petit frisson de dopamine.
Et peut-être, aussi, une excellente excuse pour écrire cet article.
Merci d’avoir pris le temps de lire cet article !
Ilona Stropoli M2 Marketing et Communication (2025-2026)

À lire aussi : Collaboration marque-artiste : stratégies et enjeux
Sources
- Total Retail. What Labubu Can Teach Brands About FOMO, Gen Z, and the Power of Predictive Audiences.
- Linkedin. The Labubu FOMO Playbook: How a Weird Little Monster Took Over the World.
- Youtube. Labubu, FOMO, and the Trap of Trend-Driven Consumerism.
- CNALifestyle. 4 things to know about Labubu, the popular Pop Mart figure with fans including Blackpink’s Lisa.
- Youtube. Labubu, la peluche qui affole Paris et les réseaux sociaux.
- Le Figaro. «C’était de la folie !» : à Bordeaux, la nouvelle boutique du phénomène Pop Mart prise d’assaut dès son ouverture.
- Robotime. Que sont les boîtes aveugles et pourquoi sont-elles si populaires ?
- Wikipédia. Gashapon. Labubu.