Bonjour à tou.te.s cher.e.s lect.eur.ice.s du blog du Master Communication de l’IAE de Bordeaux. Certains d’entre vous auront probablement été gênés par cette introduction, d’autres l’auront lue sans y prêter attention. Quel que soit votre cas, je vous invite à poursuivre la lecture de cet article pour vous faire votre propre avis sur la question de l’écriture inclusive et ainsi l’appliquer ou pas à votre communication. N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires dans la section dédiée en fin d’article.
L’écriture inclusive est un sujet dont on entend parler depuis des années, mais ce n’est que ces derniers temps qu’elle est devenue source de débats houleux qui divisent en deux la société. Nombreux sont les communicants qui s’interrogent sur l’emploi de ce type d’écriture dans leurs campagnes. Dans cet article, nous allons découvrir ensemble l’étendue de cette écriture, la position des institutions françaises, les décisions prises par certaines marques dans leur communication, ainsi que l’avis d’une jeune responsable communication.
Ecriture inclusive, pourquoi en parle-t-on de plus en plus souvent ?
Le premier quart du 21ème siècle aura été marqué par une prise de conscience de la part de notre société des inégalités entre les hommes et les femmes et des injustices que ces dernières subissent, notamment dans la plupart des milieux professionnels. Des mouvements sociaux, tels que #MeToo et #BalanceTonPorc, sont alors apparus sur les réseaux sociaux, dépassant largement les frontières de ces derniers et devenant l’étendard d’une génération qui veut faire entendre sa voix sur ces sujets longtemps banalisés et laissés de côté.
En parallèle de ces revendications, la langue française, elle aussi, a été prise à partie à cause de l’écriture inclusive. L’agence de communication Mots-Clés, qui soutient l’égalité homme/femme, la définit comme l’ « ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes ». On retrouve cette même définition dans le manuel consacré à l’écriture inclusive, réalisé par l’agence et promu sur le site du Ministère Chargé de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes.
Au vu de ce soutien de la part de l’Etat, nous pourrions alors nous demander si les Institutions Nationales et en particulier l’Académie Française cautionnent ce nouveau style d’écriture.
Qu’en pensent les Institutions françaises ?
En 2017, l’ancien Premier Ministre Edouard Philippe a publié une circulaire dans laquelle il a listé les usages à respecter et il a demandé aux administrations à ce qu’elles n’utilisent pas « une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine […] pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme». Plus récemment, le Ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, affirme que l’écriture inclusive peut poser problème pour des enfants ayant des difficultés d’apprentissage. Toutefois, il invite les enseignants à proposer des exemples dans lesquels on retrouve la féminisation des métiers. L’Académie Française, quant à elle, proscrit l’utilisation du point médian.
De par ces exemples, nous pouvons constater que le terme « écriture inclusive » peut prendre plusieurs formes. En effet, ce dernier se décline en différents comportements que ses promoteurs adoptent vis-à-vis de la langue française. Voici les plus communs :
- Féminisation des métiers. Nous allons donc employer des termes tels que cheffe, ingénieure, auteure, etc.
- Le point médian. Nous allons écrire les abonné.e.s, les écrivain.e.s, etc.
- La prédilection de termes neutres, qui n’ont pas de genre, tels que « élèves » plutôt qu’ « écoliers ».
Nous avons vu ce qu’en pensent les Institutions, mais quid des marques et du monde de la communication ?
Ces marques qui ont tenté l’écriture inclusive
Ce sujet, très délicat, est venu s’inviter sur la table de nombreux communicants lors de la rédaction de leurs campagnes de communication. Parmi ceux qui ont voulu s’adapter à celle qui semble, pour certains, être une demande sociale nous retrouvons Netflix, Zalando, Cultura, mais aussi des acteurs plus locaux comme TBM. En effet, ceux qui parmi vous se déplacent en transports en commun dans la région bordelaise auront peut-être remarqué que cette entreprise a intégré à sa communication l’écriture inclusive. Ainsi, sur les bornes aux arrêts de tram, mais également sur leur site, on peut lire, par exemple, ce type de phrase :
Netflix et Zalando, eux aussi, se sont risqués à adopter le point médian, comme nous pouvons le voir sur les affiches suivantes :
Toutefois, si certaines de ces marques ont été félicitées pour avoir adopté ce type d’écriture, d’autres ont été au centre de polémiques et de boycott sur les réseaux sociaux, comme ce fut le cas de Cultura. Des tweets comme celui-ci ont pris à partie la librairie, qui est perçue comme un pilier de la langue française et ne devrait donc pas se plier à cette nouvelle tendance inclusive.
Et vous, que feriez-vous dans le cadre de votre communication ? Oseriez-vous prendre le risque d’être attaqué pour « violation » de la langue de Molière afin de promouvoir l’inclusivité ou bien adopteriez-vous plutôt une stratégie d’évitement, en utilisant par exemple des termes neutres, ou bien ce sujet ne vous pose pas de problèmes ? Si vous avez encore des doutes sur quel camp rejoindre, nous allons comparer les raisons qui animent les détracteurs et les promoteurs de l’écriture inclusive.
« Les points médians ne sont qu’une des solutions proposées pour redonner plus de visibilité aux femmes »
Julie Neveux, maitresse de conférences en linguistique interrogée par Le Figaro, affirme que l’écriture inclusive est essentielle pour établir une égalité entre les hommes/femmes. D’autres promoteurs de cette écriture affirment qu’elle permettrait de mettre fin à la domination du masculin sur le féminin, de montrer aux enfants dès leur plus jeune âge qu’il n’y a pas un genre prépondérant. De plus, d’autres communicants affirment que c’est un bon moyen de montrer que son entreprise soutient la cause de l’égalité des sexes et suit les tendances de la société.
« Les promoteurs de l’écriture inclusive violentent les rythmes d’évolution du langage »
Cette phrase, prononcée en 2021 par la secrétaire de l’Académie française, ainsi que par son Directeur, souligne l’une des raisons pour lesquelles l’écriture inclusive n’est pas considérée comme une priorité dans les réformes du Ministère. En effet, selon certaines personnes, on ne doit pas imposer cette forme d’écriture, car cela se fera naturellement dans le temps à travers son usage, si elle a vocation à survivre. De plus, dans le cadre de l’école, elle complexifie la lecture, la rendant inintelligible pour ces enfants ayant déjà des difficultés d’apprentissage. D’autres affirment que c’est une écriture qui n’est pas représentative de l’état actuel du monde, qu’elle est même contre-productive vis-à-vis de la cause des égalités homme/femme.
L’avis d’une professionnelle
Afin de connaitre de plus près l’avis des communicants, nous avons recueilli le témoignage de Margot Roy, ancienne étudiante du Master Communication de l’IAE de Bordeaux et désormais Responsable Communication chez i2S, PME pessacaise spécialisée dans l’imagerie.
« Pour moi, l’écriture inclusive est à utiliser avec modération dans la communication car elle peut vite complexifier la compréhension du message que l’on souhaite transmettre. Dans le cas de mon entreprise, la question de l’écriture inclusive s’est posée lors de la rédaction d’offres d’emplois. En effet, afin de s’adresser à la fois aux potentiels candidats et candidates, il nous est arrivé d’utiliser l’écriture inclusive afin de toucher également un public féminin, qui peut être plus rare dans des métiers vus comme « techniques » et souvent plus masculins, comme c’est le cas chez i2S.
Malgré tout, la mise en place de l’écriture inclusive a un objectif d’équité qui est nécessaire dans le milieu professionnel. Par exemple, le métier d’ingénieur(e) concerne aussi bien les hommes que les femmes et pourtant on trouve plus facilement le terme rédigé au masculin. L’écriture inclusive peut donc être un moyen de se dissocier des potentielles entreprises concurrentes pour se mettre en avant et appuyer sur l’employabilité des femmes.
« L’objectif de la communication est de transmettre un message à une cible donnée, il faut donc produire, quand cela est possible, ce qui répond aux attentes »
Cependant, les règles orthographiques sont faites ainsi, le masculin l’emporte sur le féminin en français. Cela est tellement ancré dans les mœurs que si l’on reprend l’exemple des offres d’emplois, ce n’est pas parce qu’il est écrit qu’une entreprise recherche un ingénieur, que les femmes ne se sentiront pas concernées. A l’inverse, si l’offre de poste stipule « à la recherche d’une ingénieure », là les hommes se sentiront pour le coup exclus de la recherche.
D’après moi, il est tout de même intéressant d’appliquer l’écriture inclusive selon les contenus car la société actuelle s’implique de plus en plus dans la promotion de l’égalité hommes/femmes, notamment dans le monde du travail. Donc c’est également notre rôle, en tant que communicants, de suivre cette tendance quand cela est intéressant et adéquat, sans que cela soit dans l’excès. L’objectif de la communication est de transmettre un message à une cible donnée, il faut donc produire, quand cela est possible, ce qui répond aux attentes ».
Grâce à ce témoignage, nous pouvons constater que l’emploi de l’écriture inclusive dépend du milieu dans lequel on l’utilise et du but de la communication.
Si vous avez encore des doutes quant à son utilisation, privilégiez des formes neutres pour éviter tout type de malentendu. L’écriture inclusive n’est peut-être pas le meilleur moyen de mettre en avant la cause de l’égalité homme/femme, mais cette dernière ne doit en aucun cas être délaissée, car elle constitue l’un des piliers de notre société future.
Carole Catalano – Master 2 Communication Média Hors-Média (Promotion 2021-2022)