Avec la personnalisation d’algorithmes basés sur nos intérêts personnels, l’information se heurte à un changement majeur donnant l’avènement à une contre utopie : les bulles filtrantes.

Avec l’apparition de la télévision et plus largement d’internet, nous sommes noyés dans un océan d’information de moins en moins contrôlé. Les nouveaux supports de communication ont permis d’élargir notre connaissance sur l’actualité et de remettre en cause certaines de nos croyances.
L’apparition d’une information personnalisée pourrait avoir comme effet de nous rendre moins ouverts d’esprit, moins aventureux intellectuellement et plus vulnérables à la manipulation.
Quand certains prennent à la légère les effets néfastes de la personnalisation et de la mécanisation de nos modes de vies, d’autres en parlent et communiquent sur les dangers de ces bulles filtrantes qui nous renferment dans nos propres convictions.
Faut-il satisfaire les attentes du consommateur en proposant uniquement du contenu lié à son profil ou faut-il garder une certaine sérendipité qui pourrait intéresser l’utilisateur ?
Aujourd’hui le web nous impose-t-il forcément des bulles filtrantes ? Est-ce positif ou négatif ? Pouvons-nous en sortir ?

Une personnalisation qui individualise

Eli Pariser nous fait part de l’apparition d’une contre-utopie due à l’évolution de la personnalisation qui nous empêche de recevoir des informations mettant en doute nos convictions. Pour lui, cette bulle de filtrage nous pousse dans la direction opposée : « Elle crée l’impression que notre petit intérêt personnel est la seule chose qui existe. » Le problème qui ressort est le fait que nous ne faisons plus d’effort de recherche d’information. Nous sommes plus passifs dans nos méthodes d’acquisition de l’information en nous reposant sur ce que nous savons déjà.
Les algorithmes nous enferment dans notre vision du monde et dans nos convictions. Les conséquences sont que nous sommes moins exposés à des informations qui nous stimuleraient ou élargiraient notre vision du monde. Nous avons donc moins de chance de tomber sur des faits qui réfuteraient des informations fausses partagées par d’autres.

Le problème fondamental de ce phénomène est surtout centré sur les informations concernant l’actualité. Pour le moment, le web ne donne pas forcément les moyens d’individualiser les choix relationnels et les loisirs quant il s’agit de l’actualité. En revanche, les investissements dans plusieurs projets voient le jour pour donner accès à des plateformes d’information et d’actualité qui se personnalisent. Le New York Times a lancé un moteur de recherche personnalisé d’information sur l’actualité. Flipboard et Zite nous donnent un autre exemple avec des magazines personnalisés pour tablettes basés sur les fils d’actualités Facebook et Twitter des internautes.

Ici, le danger est de recevoir une partie restreinte d’information sur l’actualité. Ce phénomène nous rend de plus en plus individualiste ce qui est l’opposé de l’essence même d’internet. C’est un véritable mouvement de polarisation de la culture qui s’est annoncé, où chaque communauté se voit confrontée aux mêmes idées, toujours plus confortée dans ses convictions ayant des répercussions sur le lien social.
Nous faisons de moins en moins face à la différence, à la divergence des points de vue dans un monde où tout est fait pour nous plaire, créant des communautés de plus en plus fermées ne répondant qu’à leurs croyances.

La cause principale : l’algorithme

C’est aussi l’effet de la digitalisation du monde. En effet, de nombreux algorithmes de plus en plus performants font leur apparition. Des algorithmes, qui faussent le hasard, pouvant limiter la découverte culturelle ainsi qu’une certaine forme de liberté reposant sur le hasard et l’imprévu. L’esprit critique de chacun est dû à la rencontre d’avis divergents et c’est comme ça que nous pouvons avoir de nouvelles idées.
Ces nouvelles méthodes de diffusion d’information accentuent le problème de la surabondance et la crise de l’attention qui en découle. Notre attention est devenue précieuse face à cette sollicitation. Nous sommes de plus en plus habitués à consommer des contenus courts faisant échos à nos croyances et noyant toutes autres informations pertinentes. La principale conséquence est que nous réfléchissons moins par nous-même. Il y avait la censure par soustraction, aujourd’hui il y a la censure par abondance.
Il est important de signaler que le web, les algorithmes, la personnalisation, ne sont pas forcément bons ou mauvais. Tout dépend de leur utilisation.
Cependant, cette surabondance nous amène à faire face à de nouveaux problèmes pour nos sociétés. Après avoir dressé le constat, quelles solutions s’offrent à nous ?

Les solutions

Il y a des solutions plus ou moins efficaces qui permettent de ne pas être influencé par la personnalisation de notre profil. L’utilisation d’un logiciel d’exploitation indépendant comme Linux peut y contribuer. Naviguer sur des moteurs de recherche comme Firefox ou Tor et désactiver certains cookies et fonctionnalités non nécessaires à la navigation sur le web. Pour les créateurs des outils de personnalisation, les solutions seraient de donner une transparence et une maîtrise sur ces outils. Donner à l’internaute, le pourvoir d’activer ou de désactiver les filtres de ciblage. De plus, ajouter du hasard au travers des algorithmes pourrait ouvrir des portes culturelles.
En effet, utiliser des algorithmes qui seraient capables d’insérer de la sérendipité dans nos résultats est possible.
Cependant, une question se pose : est-ce vraiment bénéfique pour ceux qui mettent en place ces outils de personnalisation ?

Conclusion

En conclusion, il est devenu difficile d’avoir le contrôle sur le web, et donc de s’éduquer sur ce dernier. C’est pour cette raison qu’il faudrait se poser la question de l’éducation sur internet. Son fonctionnement, son utilité, ses dangers, ses possibilités, pourraient être enseignés à l’école pour protéger les utilisateurs du web dès le plus jeune âge. Il ne faut pas oublier que ces outils et technologies sont des instruments d’influence et donc de pouvoir.
Le journaliste a donc un rôle important à jouer. En effet, il est primordial d’informer les personnes et non pas seulement de répondre à leurs intérêts. Il est question de son intégrité et de son rôle citoyen d’information de la population. Enfermer les utilisateurs du web dans des bulles filtrantes retire petit à petit tout esprit critique. C’est une nouvelle forme de censure qui soulève une question fondamentale : Comment s’informer correctement sur Internet ?

Léopold Poulain, Master 2 Communication Média Hors Média – Promotion 2018-2019

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