La Mode dans l’ère Post-physique. Quelles solutions ?

Le prêt-à-porter, tout comme un grand nombre de secteurs, est actuellement mis à mal. Ce n’est une surprise pour personne, la principale victime du Covid-19 est le retail. En particulier, On attend une baisse de 20 à 35% du chiffre d’affaires global de la mode sur l’année 2020[1]. Cette stratégie de distribution traditionnelle, gage d’une expérience d’achat optimale, est aujourd’hui questionnée. Ces chiffres sont certes horrifiants. Toutefois, ils sont contenus grâce au numérique. L’intégralité du secteur est en pleine effervescence. Mais en réalité, comment réinventer ce business model ?

A l’ère du Web 4.0, les différents canaux digitaux sont interconnectés pour proposer une expérience-client convaincante, mêlant informativité, divertissement, présence sociale et aspects sensoriels[2]. La digitalisation, d’abord boudée par le secteur, est de toute évidence au centre des débats. En outre, dans une société qui se doit d’éviter les relations physiques, la digitalisation ne peut être qu’une réponse cohérente à cette prérogative.

Pour autant, cette synergie réelle-immatérielle ne doit pas endommager l’image de marque de chaque griffe. La qualité du service ne peut être revue à la baisse. Au contraire, l’objectif est de créer une expérience d’autant plus qualitative, tant sur la toile qu’en magasin. Cette refonte stratégique, alliant survie du chiffre d’affaires et satisfaction du consommateur, doit aussi pérenniser les clients exclusifs tout en intégrant de nouveaux segments de prospects.

Cette réécriture des modes de vie rebats alors les cartes des stratégies de communication et de distribution de ce marché.

La nécessité de trouver des alternatives aux points de vente physiques

Les entreprises cultivent depuis leurs débuts une expérience client centrée sur les points de rencontre physique. Malgré une forte majorité de retail, le secteur se prédestine à un accroissement à deux chiffres de l’achat en ligne à l’orée 2025.[3]

Réinventer le traditionnel …

La crise actuelle est un accélérateur d’innovations. Les stratégies se diversifient afin de contrebalancer les chiffres catastrophiques du premier semestre 2020 et revitaliser l’expérience d’achat.

Les évolutions de cette crise sur le marché sont visibles : le monde d’après ne sera pas identique au monde d’avant, et les recettes d’hier n’assureront pas les performances de demain. Ce nouveau monde ne pourra se passer de l’e-commerce.


Possibilité d'acheter de même produits en ligne comme en magasins.
Engouement pour la mode online.

Le monde d’après, selon certains dirigeants, se créera en concert avec l’essor de l’e-commerce.

« Il ne faut plus considérer l’e-commerce comme 8,5 % de l’activité du groupe, mais l’envisager comme le futur 30 % de son chiffre d’affaires ».
Ian Rogers, Chief Digital Officer LVMH [4].

Que deviendra alors l’expérience client si spécifique à ce secteur ? La technologie répondra à ses différents enjeux.

… Par l’essor des technologies numériques

Il est indéniable que la clientèle de luxe attend une relation qualifiable d’unique, proactive et professionnelle. De la même manière, les entreprises sont dans l’obligation de proposer des alternatives de qualité aux essayages en cabine. L’essayage virtuel, technologie développée pour les secteurs de la beauté et des lunettes, vole désormais au secours des enseignes.[5] Afin d’attirer l’attention sur ses produits, la Maison Chanel, sous forme de test, a déployée quatre cabines virtuelles. Les clientes ont donc accès en magasin à l’ensemble des créations de la marque. Cet outil est aussi accessible en réalité virtuel par le biais de l’application Farfetch.[6]

Exemple d'une cabine d'essayage virtuelle chez Chanel. 
Chic

Un nouveau cap est aussi franchi par la firme italienne Gucci. Celle-ci, en collaboration avec le réseau social Snapchat, propose des essayages et des personnalisations de chaussures en réalité virtuelle.[7] Cette fonctionnalité, en juillet dernier, a été dupliquée sur l’application mobile de la marque.

Selon un communiqué de presse de l’entreprise, « La technologie permettra (…) de présenter les plus récents modèles à ses fans, d’offrir une expérience intéressante et une opportunité d’interagir avec les collections de chaussures prochainement en vente ».[8]

Ainsi, ces nouvelles fonctionnalités offrent un avantage double aux marques. D’abord, elles sont une réponse cohérente à la crise sanitaire actuelle. Enfin, elles permettent une plus grande visibilité sur les canaux de communication digitale. En particulier, les clients sont des bandes passantes de cette communication. En tant qu’ambassadeurs de la marque, ils sont donc en mesure de partager leurs créations et leurs univers .

Cependant, les magasins, in fine, deviendront des hauts lieux de communication, de partage, et non de retail. Ce canal traditionnel de communication sera d’autant plus mis à l’honneur, et ravivera les échanges « réels ». En somme, les magasins sont en voie de « rethéâtralisation ». 

Une refonte des canaux de communication digitale dans la Mode

Les canaux digitaux sont, comme nous l’avons mentionné, des vecteurs de chiffre d’affaires. Pour autant, ils ne peuvent être cantonnés qu’à de simples canaux de distribution. L’enjeu n’est pas uniquement la vente, mais aussi la (re)création de liens.

La phygitilisation des shows

Dans une stratégie globale dépassant les simples contraintes actuelles, la communication digitale n’est pas que de la vente immédiate, mais surtout une ouverture à de nouvelles opportunités. Tout d’abord, engager les millenials (futurs acheteurs potentiels), et enfin, consolider les communautés onlines, dans une logique de customer relationship management.

Cette digitalisation commence d’abord par la phygitilisation : contraction de « digital » et « physique ». En outre, ce concept traduit l’intensification numérique des défilés de mode. Moins, voir aucun invité VIP, mais une couverture numérico-médiatique sans précédent, à l’image du défilé Burberry retransmis sur Twitch.

« Twitch ouvre un nouvel espace passionnant où notre communauté Burberry peut être transportée numériquement […] Il s’agit d’une expérience interactive où les invités peuvent se connecter à la fois à notre marque et entre eux tout en personnalisant leur expérience de visionnage » (…) La collaboration avec Twitch est la prochaine étape du chemin de Burberry pour interagir continuellement avec sa communauté à travers des contenus et des expériences organisées ».[9] Rod Manley, CMO de Burberry, faisant figure de précurseur, souligne la nécessité de consolider sa communauté.

Extrait de la Fashion Week Burberry transmise sur Twitch.
Luxe

En effet, les défilés de mode se tournent aujourd’hui vers le « online first ».

Parier sur le ludique, une stratégie gagnante   

Le monde virtuel, et plus précisément celui du gaming, est aussi le nouveau terrain de jeu des marques. Les utilisateurs d’Animal Crossing ont la liberté, grâce à la fonction « Pro Designs », de créer leurs propres looks en reproduisant les modèles les plus tendances de certaines griffes : Prada, Suprême, Gucci, Dior. En plus du e-commerce et des fashion-weeks digitales, le gaming est un nouveau lieu de diversification du business. L’« entertainment marketing » parait être une nouvelle ligne communicative, dans un milieu ou l’innovation et la recherche de nouveaux publics est primordiale.[10]

En ce qui concerne les applications mobiles, d’autres fonctionnalités voient le jour. Depuis quelques jours, et cela sur l’application mobile Gucci, il est possible d’exprimer sa créativité en se basant sur les modèles iconiques de la griffe. Ce principe dénommé Sneaker Garage se veut engageant, et suit une logique de brand content chère à la marque. Ce type de marketing de contenu est tourné vers les futures générations d’acheteurs.[11]

Identité visuelle de Gucci Sneaker Garage.
Mode

Pour résumer, la digitalisation du secteur de la mode répond à plusieurs problématiques factuelles : des besoins monétaires d’une part, se consolidant autour de l’e-commerce de haute qualité, et l’engagement d’autre part.

Cette digitalisation devra aller de pair avec les promesses de soutenabilité et relocalisation qui ont fleuri au cours du confinement. Finissons par cette phrase de Alessandro Michele, DA de Gucci, datant de 2017 : « La relation humaine est notre priorité, et le digital vient compléter la performance de nos vendeurs » [12].

Jules MOULIN

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