« L’histoire n’attend que vous », est la signature du Puy du Fou, élu meilleur parc d’attractions du monde à plusieurs reprises. La clé d’un tel succès ? Puiser ses ressources dans l’histoire de France et les partager à travers la communication. De la Préhistoire, en passant par l’Antiquité et le Moyen Age, à aujourd’hui, notre Panthéon national regorge de richesses à exploiter ; ce qui ne peut que nous plaire, à nous, les Français, réputés pour notre chauvinisme culturel.
Partage culturel, rôle de mémoire et éveil patriotique
Depuis notre plus jeune âge, l’histoire nous accompagne. Matière obligatoire durant notre scolarité, nous avons été sensibilisé à notre patrimoine. La bataille de Marignan, la Première Guerre Mondiale ou bien la prise de la Bastille sont des dates qui ont marqué notre esprit. Louis XIV, Jeanne d’Arc, Vercingétorix sont des noms difficiles à oublier. Les références tricolores sont familières et partagées par tous, comme le souligne le groupe Total. En 2019, Total Direct Energie diffuse un spot publicitaire favorisant l’économie d’énergie, avec comme célèbre slogan « C’est pas Versailles ici ! ». Spectateurs, nous nous amusons du clin d’œil adressé au palais du Roi-Soleil.
Les allusions historiques amusent et retentissent intimement. Les dates clés rappellent entre autres les récits et les témoignages de nos ancêtres. Le caractère affectif de l’histoire suscite l’émotion, fort pouvoir de mémorisation,car notre passé commun et familial renaît. Dans cet esprit, l’agence DDB a réalisé une communication poignante pour le Musée de la Grande Guerre à l’occasion du centenaire de la Première Guerre Mondiale. La campagne-choc remémore l’impensable et atteint foncièrement son public.
Chacun d’entre nous partage un lien unique avec l’histoire de France. Cette sensibilité nous renvoie à notre identité française. Pour les Jeux Olympiques de 2024, Paris a dévoilé l’emblème de l’événement : une médaille d’or dessinant dans son creux la flamme Olympique et le visage de Marianne. L’allégorie de la République Française sera affichée sur tous les supports de communication aux yeux du monde entier. Le message est fort car Marianne est l’emblème de la liberté que notre pays chérit tant. Cette représentation effleure notre patriotisme et notre attachement tricolore. Piochés dans l’histoire, les emblèmes français sont donc démocratisés dans la communication.
Divertissement et valorisation des sites historiques
L’histoire de France nous transporte dans une machine à remonter le temps. Au cœur de la Vendée, le parc du Puy du Fou fait voyager ses visiteurs d’époque en époque. Le public assiste à un combat de gladiateurs, admire la chevauchée des mousquetaires, et déguste des mets du Moyen Age au sein d’un même endroit. Au fur et à mesure des années, le parc a déployé une stratégie efficace, utilisant l’histoire pour offrir du spectacle.
Comme l’illustre cette vidéo, l’immersion est totale entre les grandes périodes, grâce aux spectacles saisissants et à la stratégie gravitant autour. Les boutiques du parc proposent une multitude de produits dérivés pour petits et grands : les enfants dénichent des déguisements de soldats, les adultes découvrent des livres sur l’histoire de France. De surcroît, les hôtels à thème offrent des nuits mémorables dans une hutte de viking ou dans une villa romaine. Sur les réseaux sociaux, le parc poste également des photos des chevaliers vaillants et des marins prêts à accoster. Face à 2 millions de visiteurs chaque année, le Puy du fou ne semble pas manquer d’inspiration.
Par l’entremise de notre héritage national, des monuments historiques développent du tourisme. Des châteaux, des grottes, ou encore des églises théâtralisent les lieux pour attirer les curieux. En effet, les techniques de mise en scène sont nombreuses : spectacles, escape games, jeux de rôle… Et même des visites virtuelles ! En 2020, la région Centre-Val de Loire a investi la plateforme Twitch et le jeu vidéo Fortnite, pour découvrir les châteaux de la Loire. En quelques clics, il est désormais possible de visiter Chambord depuis son canapé. Ainsi, les sites historiques se réinventent pour valoriser le patrimoine et charmer toutes les générations.
Attractivité et fantasme des figures historiques
Jusqu’à présent, certaines figures emblématiques françaises jouissent d’un rayonnement mondial : Voltaire représente la liberté, Victor Hugo la littérature, Louis Pasteur le progrès scientifique. Ces grands noms sont employés comme référence dans les publicités car ils symbolisent des valeurs et des qualités, auxquelles nous pouvons nous rattacher.
En effet, les figures historiques sont particulièrement utilisées à des fins marketing, à l’image de Marie-Antoinette. Grâce à des films (Marie-Antoinette, Sofia Coppola, 2006), des mangas (La rose de Versailles, Ikeda Riyoko, 1972), ou à des peintures (Marie-Antoinette, le hameau de la reine, Pierre et Gilles, 2014), la reine de France fascine et éternise son souvenir. Femme de goût et de raffinement, sensible à la mode, la princesse autrichienne bénéficie d’une figure facilement commercialisable. En ce sens, il suffit de prendre le visage d’une femme, d’une perruque haute et de bijoux, et le tour est joué ! C’est pourquoi les marques en font un élément de marchandising majeur, séduites par sa notoriété identifiable. Par exemple, Barbie a conceptualisé une poupée à son effigie, LaDurée a sorti un thé portant son nom. Par ailleurs, certaines campagnes publicitaires utilisent même la mort tragique de la Reine comme slogan, sordidement accrocheur.
De ce fait, faire appel à une figure historique édifie un culte de l’image et encourage les fantasmes. Malgré un décalage avec la véracité des faits, l’image d’une Marie-Antoinette forte et désobéissante plaît et dépasse les frontières françaises. En 1990, Madonna lui rend hommage en s’habillant à son effigie lors de la prestation de son tube « Vogue » sur la scène du MTV awards. De cette façon, la souveraine guillotinée inspire et fait vendre. Reine de la mode, amante libérée, princesse martyre, Marie-Antoinette arbore une image royale.
Rendre hommage ou instrumentalise l’histoire ?
Le marketing a deux visages face à l’utilisation de l’histoire de France. A première vue, il participe à la mémoire collective en faisant honneur à des événements et à des personnages historiques. Néanmoins, il déforme et intensifie le passé. Marie-Antoinette est une véritable ressource médiatique, mais sa représentation culturelle transforme l’histoire. Selon le roman national, l’icône de la pop culture est décrite comme ceci : une dépensière frivole et déconnectée des malheurs du peuple. Le phénomène marketing la modélise et l’immortalise, mais lui rend-il hommage ?
La communication enjolive et altère la représentation historique. Le parc du Puy du Fou a souvent été critiqué pour instrumentaliser l’histoire. Fier de ses racines vendéennes, le parc défend une identité chrétienne au risque de mystifier des éléments historiques. Depuis 2016, le parc détiendrait l’anneau officiel de Jeanne d’Arc, ressource attractive dont l’authenticité n’a jamais été confirmée par des spécialistes.
De même, les châteaux embellissent la réalité passée. Parmi les produits vendus en boutique, il n’est pas rare de trouver des épées en mousse. Ces fausses armes évoquent le temps du Moyen Age et la bravoure exemplaire des chevaliers. Or, les monuments minimisent le pouvoir mortel qu’ont eu ces armes durant des siècles. La terreur, la pauvreté et la mort sont des éléments moins attrayants pour évoquer le passé. L’héroïsme tricolore est préféré dans le récit de l’histoire de France.
Alice Bidet – Master 2 Communication Média Hors-Média (Promotion 2021-2022)