Qu’est-ce que le marketing genré ? 

Le marketing genré est décrié aujourd’hui comme dépassé. Mais d’où vient-il ? On en entend parler à la télévision, à la radio, ou encore sur les réseaux-sociaux, mais quelle est sa définition ? Essayons déjà d’y voir un peu plus clair sur ce concept.

Regardons côté définition. Le marketing genré se caractérise par une segmentation entre homme et femme, par le biais de nombreux messages stéréotypés. Le but est de promouvoir un bien ou un service à destination de la cible visée. On a tous déjà été confrontés au rayon jouet à Noël, qui se transforme en un côté bleu et rose, à ce gel douche “tonifiant et énergisant” pour homme, à ces tee-shirts que l’on retrouve en grande surface pour la fête des mères, floqués d’un “adorable like mommy” alors que lors de la fête des pères le ton est plutôt “strong like daddy”…

Ce concept prend sa source dans les années 1970. C’est à cette période là que les sociologues déterminent que le genre est une construction culturelle. Ils le séparent ainsi du facteur biologique. Le marketing genré est alors arrivé à son apogée dans les années 80. Où y retrouve ces fameuses affiches publicitaires à destination des femmes, considérées comme les principales cibles de cette ère de consommation de masse. Les publicités de la marque Moulinex en sont le parfait exemple, reflet de l’image de la femme de cette époque. La représentation de la femme au foyer, préparant des plats pour son mari.

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Publicités Moulinex dans les années 1970

Ces signaux sont aujourd’hui toujours omniprésents dans notre société de consommation, bien qu’ils soient plus subtiles et discrets. Ils sont pourtant sujets à polémiques depuis quelques années. En effet, une partie des consommateurs, hommes et femmes, témoignent d’un agacement face à ces stéréotypes du genre.

Le marketing genré est-il toujours aussi efficace ?

Nous sommes à une heure où l’égalité des sexes apparaît comme source de tensions sociales et politiques. Il paraît donc étonnant que les marques usent toujours du marketing genré, clivant les sexes comme moyen de séduire leurs cibles

En effet, si cette méthode marketing a évolué dans sa forme, elle est pourtant toujours utilisée par les marques. La source de cette stratégie repose sur l’étude des différents comportements en matière de consommation et ce qui déclenche la décision d’achat, suivant si le consommateur est une femme, ou un homme. Or, on constate que ces comportements diffèrent. Les hommes suivraient un processus d’achat très linéaire. Ils cherchent avant tout à trouver une solution à un problème, via un produit qui serait qualifié comme “adapté”. Les femmes, quant à elles, suivraient un processus d’achat plus complexe. Elle traversent plusieurs étapes qui se croisent, afin de trouver un produit qualifié de “parfait”. Il est donc pertinent pour les marques qui répondent à un besoin précis de continuer à user de ces signaux. Ils répondent à des codes sociaux précis et intégrés depuis l’enfance

En marketing, la segmentation, qui vise à l’identification de cibles aux besoins spécifiques auxquels on tentera de répondre de manière adaptée et différenciée, est un concept central. Une offre mieux ajustée aux besoins crée de la valeur pour le consommateur et donc pour l’entreprise.

Isaure Grandgirard et Hawa Jarrossay – Genre et marketing (2020)

Prenons par exemple le cas d’un homme qui serait à la recherche d’un shampoing. Son premier réflexe sera de chercher un produit qui répondra à un problème précis : sentir bon. C’est le cas par exemple des shampoings 3 en 1 qui permettent d’apporter une solution efficace à leur problème. Il ne fait pas de distinction pour la nature de cheveux ou de la sensibilité de la peau. Même sans désignation “pour hommes” ou “for men”, le packaging bleu leur permettra de le repérer facilement.

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Les femmes, quant à elles, ne cherchent pas seulement un shampoing qui leur permet d’avoir des cheveux propres. Elles cherchent un produit qui répond parfaitement aux caractéristiques de leurs cheveux. C’est l’exemple de toute la gamme de shampoing Garnier qui sont très clairement à destination des femmes. La marque propose une très grande largeur de gamme suivant les attributs des cheveux.

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Cette manière de réfléchir à partir de la réponse d’un genre à un code est certes avérée, mais démontre surtout que tous ces signaux sont le fruit d’une construction sociale. Ils ne peuvent être représentatifs de la totalité d’une population. De plus cette méthode ne se présente que dans une vision binaire des sexes. Elle exclue tout individu qui n’aurait pas de sentiment d’appartenance pour un de ces deux sexes, ou les deux.

Un grand nombre de consommatrices est également agacé par ce que l’on appelle la taxe rose. Ce terme désigne cette différence de prix qui existe entre les produits à destination des hommes, en défaveur des femmes. Elles subissent une hausse des prix d’en moyenne 10% pour des produits répondant aux mêmes besoins. C’est le cas de nombreux objets du quotidien tels que les gels douches, les déodorants ou les rasoirs. Ces produits ont souvent un packaging rose, d’où le nom de taxe rose. Cette taxe est bien sûr non officielle et déniée par les marques. Elle demeure pourtant une réalité dans le porte monnaie des femmes.

Les consommateurs se lassent et ressentent même une aversion envers ces stéréotypes véhiculés par le marketing genré. Le combat contre le sexisme est un terme fort de notre société, cette stratégie marketing apparaît comme contre-courant. 

Le marketing genré est problématique dans ce sens. Il normalise des valeurs et des comportements qui sont ensuite intériorisés par les gens. Ça a donc un impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes, à la longue.

Marion Vaquero, fondatrice de Pépite Sexiste

De nouvelles tendances émergent…

Pour continuer à séduire leurs consommateurs, les marques ont alors dû évoluer et adapter leur stratégie de marketing et de communication à leurs cibles. 

En effet, la nouvelle génération Y et Z est la recherche d’une disparition des frontières entre les genres et refuse de continuer à soutenir les marques qui véhiculent des stéréotypes. Ce sont notamment les produits à destination des enfants qui sont décriés car ils jouent un rôle dans le développement des enfants, en véhiculant des images qui seront par la suite associées au genre masculin ou féminin.

La jeune génération veut se construire selon ses propres codes, loin des stéréotypes intériorisés depuis l’enfance, transmis par leurs parents, qui les ont reçu eux-mêmes de leurs parents.

Pour ce faire, les marques investissent aujourd’hui dans des produits qui n’expriment pas un genre, comme des vêtements ou des produits cosmétiques, afin d’éviter les stéréotypes. Le packaging va alors être dans des tons plus neutres pour pouvoir séduire toutes les cibles, indifféremment de leur genre, dans une optique d’inclusivité.

Des marques de prêt-à-porter comme H&M ou Uniqlo ont alors lancé des gammes de vêtements unisexes. On y retrouve alors des pièces classiques et intemporelles, dans une volonté d’inciter leurs consommateurs “à porter les vêtements de leur choix, ceux dans lesquels ils se sentent bien, peu importe l’étiquette”, selon Uniqlo. 

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D’autres marques ont fait le choix de continuer à cibler un genre en particulier, mais de communiquer davantage sur les évolutions de la société, et de ce que cela implique sur les marques. On remarque notamment la publicité du magasin de prêt-à-porter pour hommes Jules, qui a sorti en 2020 sa campagne “Men In progress”. L’occasion de montrer ce qu’est un homme aujourd’hui et qu’il peut changer les codes intériorisés sur l’image de la virilité.

Le marché des cosmétiques est également un secteur où s’opère de grands changements, notamment dans sa manière de s’adresser aux hommes. Perçue depuis longtemps comme à destination d’un public féminin, aujourd’hui la cosmétique masculine bouleverse ses codes car les hommes se maquillent, et veulent davantage de représentation dans l’univers de la beauté.

Certains grands noms de la cosmétiques ont alors commencé à commercialiser des produits en collaboration avec des personnalités publiques masculines. On peut prendre l’exemple de la collaboration entre la marque de cosmétique Morphe et James Charles, youtubeur américain possédant une communauté de près de 24 millions d’abonnées sur Youtube et 23 millions sur Instagram. L’objectif était de casser les codes en affichant un visage masculin sur une palette de maquillage, et de montrer que le maquillage pouvait aussi s’adresser aux hommes et que ce dernier pouvait être un acteur de ce secteur.

cosmétique palette maquillage james charles

Il est cependant important de remettre en perspectives toutes ces démarches des marques. Leur objectif est avant tout de vendre plus, il n’est pas altruiste. C’est avant tout un moyen pour les marques d’adoucir leur image et de faire acheter au consommateur via de nouvelles cibles, sur un nouveau marché.

Alors oui pour des marques engagées et prêtes à casser leurs codes pour évoluer au rythme de la société, mais avec sincérité !

Vraie conviction ou “gender washing” de la part des marques selon-vous ?

Gaëlle Thorpe – Master 2 Communication Média Hors-Média (Promotion 2022-2023)


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Sources :

www.kissthebride.fr/decryptage/marketing-les-marques-ont-elles-besoin-dun-genre-en-2020

www.neonmag.fr/marketing-unisexe-vers-la-fin-des-stereotypes-de-genre-dans-nos-caddies-533400.html

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